Lierres et Clématites sauvages
Cette série est née d’une rencontre.
Au hasard de mes errances littorales de cet hiver 2014, j’ai franchi, un jour de février, une dune entamée par les tempêtes d’hiver. Là m’est apparu soudain un fantôme d’arbre! Dans le creux de la dune, par ailleurs saturé de lierres et de ronces, son squelette blanchi avait été entièrement enrobé d’une dense résille de clématites sauvages. La clarté des lianes tranchait sur le fond vert des pins et du lierre. Quelque chose de mystérieux, d’émouvant, de tendrement alangui, émanait de cette silhouette. Progressant avec peine je me suis ensuite enfoncé dans le sous-bois pour me retrouver au cœur d’une forêt primaire: en tous sens, des pins et des chênes verts debout, d’autres effondrés, d’autres pourrissant à terre. Le tout entièrement colonisé par le lierre et des nappes de clématites montant à l’assaut des arbres et tapissant le sol. Et là, à quelques pas de la plage et du chemin qui y mène, j’ai ressenti un dépaysement total, ou, comme l’écris Philippe Jaccottet dans « Couleur de terre » une sorte de stupeur:
« Stupeur, soudain, intime, d’être là, d’avoir part, d’avoir droit à cette chaleur de la terre – avec pour seules compagnes les lianes de la clématite sauvage où l’on pourrait se prendre les pieds … ».
Je suis revenu plusieurs fois revoir mon arbre fantôme, gardien d’un territoire magnifique, souvent sous un ciel gris ou par temps de pluie. Puis, grisé par ma découverte et par les images rapportées, qui commençaient à trouver leur forme, j’ai voulu aller voir plus loin et explorer cette forêt domaniale de Longeville-sur-mer qui s’étire sur plus de 10km le long du littoral du sud Vendée. Il m’a fallu quitter les chemins et les sentiers et suivre les sentes à peine visibles laissées par les chevreuils et les sangliers, rabattre les ronces et écarter les branches pour trouver d’autres endroits similaires, avec à chaque fois l’étrange impression d’être le premier depuis longtemps à être là. A l’instar de Jim Harrison se guérissant de la civilisation en se réfugiant périodiquement dans ses « fourrés », j’ai parcouru avec précaution ces lieux dans une sorte de solitude jouissive et avec l’incroyable privilège d’aller jusqu’à m’y perdre.
En progressant dans cette densité végétale l’espace semble se refermer sur lui-même. C’est cet isolement merveilleux, cette sensation d’être si loin de tout mais si proche de l’essentiel, que j’ai essayé de traduire dans les images rapportées de ces îlots de nature vivifiante et protectrice.