Vestiges (2023)
Genèse
Bien avant de s’intégrer à ces photomontages, ces réalisations étaient d’abord des créations d’argile. Mes sources d’inspiration: les cases-obus du Cameroun, les architectures de pisé du Maroc, les bories de Provence ou encore l’habitat Tellem de Bandiagara. Mais aussi l’influence d’artistes qui se jouaient alors des frontières entre sculpture et architecture. Après cuisson, les éléments ont été montés en maquettes et associés au sable teinté de pigment ocre. Plus tard se sont ajoutées des sculptures construites et modelées dans la même argile, issues de ma fascination pour les créations d’Afrique noire et d’Océanie. Ont suivi quelques expositions dont il reste d’éphémères traces dans quelques catalogues oubliés: galeries associatives ou privées, lieux culturels, biennale de sculpteurs… c’était il y a longtemps, entre 1987 et 2000.
De l’ombre à la lumière.
Elles se sont ensuite fait oublier pendant plus de 20 ans à l’étage de l’atelier; leur souvenir s’est estompé, remplacé par d’autres préoccupations et d’autres pratiques. Puis s’impose récemment une nécessité de faire le vide! C’est au moment d’en détruire une grande partie qu’une idée commence à germer. En faire les dernières images comme on le ferait d’un quartier en péril ou d’une architecture vouée à la démolition. En garder une ultime trace… Un très vaste plateau recouvert du même sable ocre, en couche épaisse pour être modelé en dunes miniatures, quelques éclairages mobiles et un APN sur pied seront nécessaires pour débuter une longue période de prises de vues. Mise en place des constructions, modelage du sable, installation de lumières parcimonieuses, et enfin multiples prises de vues variant temps de pose, lumière, angles de prise de vue et couple vitesse/ouverture.
Le temps du rêve
A l’origine de ces constructions de vieux rêves où se mêlaient des images d’altitudes minérales, d’Afrique, de déserts, de terres ocres, de soleil et de sécheresse, et en même temps l’idée de les habiter symboliquement, d’y construire des abris élémentaires, des demeures pour l’esprit, des refuges pour l’imaginaire, des ermitages pour la pensée. Ces images mentales issues de mes lectures, de photographies, d’expositions, de sensations estivales, de songes récurrents n’étaient, à l’époque, que virtuelles et constituaient le véritable écrin invisible de ces architectures et sculptures. Or, pendant cette longue période d’oubli, j’ai pu parcourir à pied quelques minuscules fragments de ces espaces rêvés, en particulier dans les déserts et les zones montagneuses, et en rapporter des images. Grâce au photomontage, j’ai pu fondre le réel et l’imaginaire, intégrer chaque sculpture ou architecture à un paysage choisi et préparé. Au final, ces « vestiges intérieurs » retrouvent quelque chose de leur origine tout en restant dans l’espace de l’imaginaire et le temps du songe
Chimères
.Je n’aurais jamais imaginé que des rêves issus de l’enfance puissent avoir une vie aussi longue. Ces vestiges de mon histoire personnelle sont maintenant en majorité détruits. Il n’en reste que ces images. Sous le soleil ou les étoiles, parfois nimbés de brumes, ils se sont chargés du silence et de l’épaisseur du temps qui passe. Des chimères sur le point de disparaître, de se dissoudre dans la nuit, des songes au bord de l’effacement, quelques poussières de terre et de sable que le vent va emporter…
Genesis
Long before they became part of these photomontages, these creations were first of all clay creations. My sources of inspiration: the huts of Cameroon, the adobe architecture of Morocco, the « bories » of Provence or the « Tellem » habitat of Bandiagara. But also the influence of artists who at the time were playing with the boundaries between sculpture and architecture. After firing, the elements were assembled into models and combined with sand tinted with ochre pigment. Later on, I added sculptures built and modelled in the same clay, stemming from my fascination for the creations of Black Africa and Oceania. This was followed by a few exhibitions of which there are still ephemeral traces in some forgotten catalogues: associative or private galleries, cultural places, sculptors’ biennial… that was a long time ago, between 1987 and 2000.
From shadow to light.
They were then forgotten for more than 20 years on the floor of the workshop; their memory faded, replaced by other concerns and other practices. Then, recently, a need to clear the air arose! It was at the moment of destroying a large part of it that an idea began to germinate. To make the last images of it as one would of a neighbourhood in danger or of an architecture destined for demolition. A very large plateau covered with the same ochre sand, in a thick layer to be modelled into miniature dunes, a few mobile lights and a stand-up camera will be necessary to start a long period of shooting. Setting up the constructions, modelling the sand, installing lights sparingly, and finally multiple shots varying exposure time, light, shooting angles and speed/aperture couple.
The time of the dream
At the origin of these constructions of old dreams where images of mineral altitudes, of Africa, of deserts, of ochre lands, of sun and dryness, and at the same time the idea of inhabiting them symbolically, of building elementary shelters, dwellings for the spirit, refuges for the imaginary, hermitages for the thought. These mental images from my readings, photographs, exhibitions, summer sensations, recurring dreams were, at the time, only virtual and constituted the real invisible case for these architectures and sculptures. However, during this long period of oblivion, I was able to walk through a few tiny fragments of these dreamed spaces, especially in deserts and mountainous areas, and bring back images. Thanks to photomontage, I was able to merge the real and the imaginary, to integrate each sculpture or architecture into a chosen and prepared landscape. In the end, these « inner vestiges » find something of their origin while remaining in the space of the imagination and the time of the dream
Chimeras
I would never have imagined that dreams from childhood could have such a long life. These remnants of my personal history are now mostly destroyed. Only these images remain. Under the sun or the stars, sometimes shrouded in mist, they have taken on the silence and the thickness of passing time. Chimeras on the verge of disappearing, dissolving in the night, dreams on the verge of being erased, a few dusty bits of earth and sand that the wind will carry away…