Jim Harrison: merci

 

Jean-Luc Billet Photographie

piste dans le Sahara

« D’habitude, la plupart d’entre nous sommes perdus dans les effluves étouffants de notre existence, ou dans les aménagements dignes d’un zoo construits autour de notre vie comme autant de protections, fabriqués par nous-mêmes ou avec l’aide diligente de la culture. Il est très difficile de savoir quand il faut se faire la malle, prendre la poudre d’escampette, se glisser entre les barreaux de la cage ou de la prison. »

Jim Harrison – En marge.

« Je parle d’un sentiment plus proche de la notion portugaise de « saudade »; une personne, un lieu ou un sentiment de la vie irrémédiablement perdu; une ombre intime qui vous accompagne partout et qui, même si vous l’oubliez le plus souvent, peut à tout moment vous déchirer le cœur; une sentimentalité obstinée ou une violente colère à l’idée que vous n’êtes pas là où vous aimeriez être; une mélancolie irrationnelle et enfantine, née de la conviction que vous vous êtes vous-même induit en erreur et dupé, en épousant un mode de vie auquel vous n’avez jamais réussi à adhérer complètement. »

Jim Harrison – En marge.

« Je retrouvai cette étrange pensée, absente depuis des années, que presque tout le monde ignore le processus de la vision, car les gens sont fascinés par la simplicité de la photographie, alors  que personne ne voit ainsi. Personne n’a une vision simultanée des choses, à moins d’y travailler d’arrache-pied. Lorsque je découvris l’œuvre de Cézanne, je fus stupéfié par la compréhension de sa vision. »

Jim Harrison – La route du retour.

Merci Jim pour tous ces récits qui nous font respirer l’air de la nature vraie et des grands espaces, qui nous prennent et nous entraînent, comme des torrents dévalant les montagnes.

Fraternels

Jean-Luc Billet  Photographie

Ait Bougmez – Atlas – Maroc

« Aux gens d’une rive, ceux de la rive opposée semblent souvent des barbares, dangereux et pleins de préjugés à l’égard de ceux qui vivent sur le bord d’en face. Mais si l’on commence à passer le pont, en se mêlant aux personnes qui vont et viennent et voyagent d’une rive à l’autre, jusqu’à ne plus bien savoir de quel côté ou dans quel pays l’on est, on retrouve la bienveillance et le plaisir du monde. « 

Claudio Magris, Déplacements

Contre tous ceux qui, ici et ailleurs, cherchent à ériger des barrières entre les hommes, les peuples, les races et les religions.

image et mots

Jean-Luc Billet Photographies

Monsaraz – Portugal

En plongeant dans d’anciens dossiers de photos, on en revient parfois avec une image oubliée. Une image négligée à l’époque, qui a dormi là des années et qui, soudain, on ne sait pas pourquoi, vous fait signe. C’est le cas de celle-ci; prise seule, impossible de dire où, quand et pourquoi cette photo. Ce n’est que grâce aux métadonnées et au contexte des photos voisines que j’ai pu déterminer le lieu de prise de vue: Monsaraz au Portugal. Un village velouté de blanc sur une colline tabulaire offrant une vue en tous sens sur les étendues de l’Alentejo et les eaux d’un immense lac. Après la fournaise de la journée, une chambre fraîche donnant sur une délicieuse cour plantée d’orangers, garnis de fruits. Une flânerie « à la fraîche », appareil photo dans le sac, et sans doute une halte dans une chapelle en travaux. J’ignore pourquoi j’ai pris cette image à l’époque, je n’en sais pas plus aujourd’hui. Intérêt persistant pour la forme de l’arc en architecture? Connivence fortuite avec certains aspects de la peinture contemporaine? Evocation d’une histoire enfouie sous un blanc immaculé? Rien de tout cela à mon avis. Je ne peux pas dire que cette image me parle, elle ne me dit rien; disons qu’elle suscite un écho énigmatique et profond. Mettre des mots sur une image, c’est plus souvent, comme ici, mettre des mots à côté d’une image.

Photos publiées