Terra Incognita / Le Silence des Pierres
TERRA INCOGNITA / LE SILENCE DES PIERRES
Elles sont la matière essentielle de notre planète, souvent cachées par la fine couche de vie dont nous faisons partie. Elles nous révèlent leur nature originelle lorsqu’elles jaillissent avec panache des bouches des volcans. Refroidies, elles se dévoilent aux regards lorsque les éléments s’acharnent à décaper son épiderme pour en révéler l’os. Au bord de l’océan, en haute montagne, partout où l’érosion modèle et sculpte la roche pour mettre en évidence sa beauté, la minéralité donne de la force aux paysages.
Emprunter la vire creusée dans une falaise, escalader pierre par pierre les derniers mètres d’un sommet, se faufiler dans un chaos, affronter l’instabilité d’un pierrier, le lover dans le creux d’un rocher modelé par les vagues, marcher sur une crête dénudée comme sur un fil, descendre le creux d’un canyon creusé par les millénaires, caresser un galet longuement poli par les vagues, franchir un lapiaz avec mille précautions, se perdre dans le labyrinthe de grès d’un tassili…
Autant d’expériences qui ont cultivé et enrichi cette relation privilégiée avec le minéral. Une attirance qui ne va pas de soi. Les pierres semblent figées et pourtant elles évoluent, s’effondrent, s’usent, se transforment… mais seulement leur temps n’est pas le nôtre! Leur destin est millénaire, le nôtre insignifiant. Les pierres ont tout leur temps et nous ne percevons que leur silence. Pourtant elles nous délivrent en permanence un message: celui de la patience et de l’humilité. Elles nous incitent à partager leur plénitude; elles sont complices du calme et de la lenteur qui s’instillent en nous à leur contact.
Et lorsque l’espèce humaine se sera autodétruite, elles seront toujours là, sentinelles du temps, en attente d’un autre monde. Et elles contribueront peut-être, en se délitant, à alimenter l’humus d’où pourra émerger une intelligence nouvelle, plus humble et plus respectueuse.
TERRA INCOGNITA / THE SILENCE OF THE STONES
They are the essential matter of our planet, often hidden by the thin layer of life of which we are a part. They reveal their original nature to us when they spring with panache from the mouths of volcanoes. Cooled, they reveal themselves to the gaze when the elements persist in stripping its epidermis to reveal the bone. At the edge of the ocean, in the high mountains, wherever erosion shapes and sculpts the rock to highlight its beauty, minerality gives strength to landscapes.
Take the ledge carved into a cliff, climb stone by stone the last meters of a summit, weave through chaos, face the instability of a scree, coil it in the hollow of a rock shaped by the waves, walk on a bare ridge like on a wire, descend the hollow of a canyon dug by millennia, caress a pebble long polished by the waves, cross a lapiaz with a thousand precautions, get lost in the sandstone labyrinth of a tassili…
So many experiences that have cultivated and enriched this privileged relationship with the mineral. An attraction that is not self-evident. The stones seem frozen and yet they evolve, collapse, wear out, change… but only their time is not ours! Their destiny is millennial, ours insignificant. The stones have all their time and we only perceive their silence. Yet they constantly deliver a message to us: that of patience and humility. They incite us to share their plenitude; they are complicit in the calm and slowness that are instilled in us on contact with them.
And when the human species will have self-destructed, they will still be there, sentinels of time, waiting for another world. And they will perhaps contribute, by disintegrating, to feeding the humus from which a new intelligence, more humble and more respectful, can emerge.